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Quand 40% des cancers pourraient être évités ….

Temps de lecture 13 min

Dr Laurence PLUMEY. Médecin Nutritionniste. Fondatrice d’EPM NUTRITION, Ecole de NUTRITION et de NAPSOTHERAPIE

Le cancer est une maladie multi-factorielle dépendant en partie des gènes mais aussi de l’environnement. Si nous ne pouvons pas changer nos gènes, en revanche, nous pouvons optimiser notre environnement. Et cela vaut la peine, car on estime que 40% des cancers pourraient être évités si nous adaptions nos comportements. Cela concerne l’alimentation, l’activité physique, la corpulence, le niveau de stress, la consommation de tabac-alcool et drogues – et le travail prolongé de nuit ou en horaires décalés. Faisons donc le point sur ce qui est prouvé et ce qui ne l’est pas.

Le consommation suffisante et régulière de fruits et légumes a un effet protecteur.

Vrai. De très nombreuses études l’ont démontré, et pas uniquement sur le cancer du côlon ou de l’estomac, mais également concernant les cancers à distance, comme le poumon ou le sein. Ainsi, les données épidémiologiques confirment qu’au-delà de 400g de fruits et légumes par jour, il y a une réduction de 20 à 30% du risque de développer un cancer de l’œsophage, de l’estomac ou du côlon. A contrario, une trop faible consommation de fruits et légumes (moins de 2 parts par jour) double le risque de cancer. L’explication repose sur la présence de fibres qui diminuent le temps de contact des molécules pro-cancérigènes avec la muqueuse digestive – mais également en raison de la présence d’anti-oxydants dans ces végétaux qui freinent le risque d’oxydation et donc de mutation cellulaire. Il y a en réalité plusieurs types d’anti-oxydants dans les végétaux. Ceux qui sont des pigments et souvent de la famille des polyphénols – et la vitamine C, bien connue.

Concernant les pigments anti-oxydants, sachez que plus les fruits et légumes sont colorés, plus ils en sont riches. Donc, mettez de la couleur dans vos assiettes.

Les pigments anti oxydants des fruits et légumes riches en couleurs :

 – Le béta carotène, pour la couleur jaune-orangée : carotte, potiron, mangue, melon, pêches, poivrons jaunes, tomate jaune, ananas, abricot.
– Les anthocyanes, pour la couleur violette : raisin noir, pruneaux, prune, mûres, framboise, cassis, aubergine, myrtilles, cerises.
– Le lycopène pour la couleur rouge : tomates, poivrons rouges, chou rouge.
– La lutéine pour la couleur verte : épinards, kiwi, avocat, oseille, poivron vert.


Concernant la vitamine C, également un puissant anti oxydant, elle n’est pas présente dans tous les fruits et légumes – et de plus, elle est très fragile. Elle supporte mal le stockage et les cuissons longues. Donc, mangez du frais, cru ou cuit al dente. Elle se trouve particulièrement dans les agrumes et fruits exotiques (orange, citron, clémentine, pamplemousse, fraises, kiwis, litchis frais, mangue) – ainsi que dans certains légumes (poivrons rouges, raifort, choux verts et rouges crus).

Les meilleures sources de vitamine C

Aliments et boissonsTeneur en vitamine C/100g
Légumes :
Persil frais200 mg (mais peu, par portion)
Poivron cru, rouge et jaune159 mg (il y en a deux fois moins dans le poivron vert, et deux fois moins quand ils sont cuits)
Choux crus (blanc, vert, rouge)50 à 70 mg (il n’en reste plus que 20 mg quand les choux sont cuits)
Cresson, épinard50 mg (il en faut une grosse assiette, pour en avoir 100g)
Raifort cru152 mg (mais cela fait peu par tranche fine)
Fruits :
Goyave228 mg
Cassis cru181 mg (souvent en mélange de fruits rouges)
Agrumes (oranges, clémentines, pamplemousse, citron) frais ou en jus maison ou en bouteille, et fraises40 à 60 mg pour 100g de fruit ou 100 ml de jus
Un verre de 150 ml de jus d’orange (maison ou en bouteille) = 50 à 60mg de vitamine C = 50% du besoin quotidien.
Deux oranges par jour ou une orange + un kiwi = couverture du besoin quotidien.
Kaki40 mg
Litchis, papaye, fraises70 mg. Une belle assiettes de fraises = 70% du besoin quotidien.
Kiwi90 mg. Deux kiwis par jour = 100% du besoin quotidien en vitamine C.
NB : Le besoin quotidien est de 80 à 100 mg de vitamine c/jour

Enfin, certains champignons, comme les pleurotes et les shiitakes, contiennent des lentinanes, molécules qui ont la capacité de freiner la division des cellules cancéreuses. En Asie, ces champignons font l’objet d’intenses recherches et sont parfois associés à des traitements anti-cancéreux pour en augmenter l’efficacité. Mais il faut en manger beaucoup !

Quels liens entre les anti-oxydants et les cellules cancéreuses ?
Une cellule cancéreuse est une cellule qui a muté et qui a perdu ses caractéristiques d’antan pour se transformer en une cellule « folle » dont l’ADN a muté et a acquis la capacité à se multiplier beaucoup plus rapidement. Or, parmi les facteurs qui provoquent ces dommages et ces mutations au niveau de l’ADN cellulaire figurent les radicaux libres oxygénés. Ainsi, plus une cellule est bombardée d’atomes d’oxygène instables, plus elle risque de muter et de se transformer en cellule cancéreuse. D’où l’importance des anti-oxydants que nous avons tous en nous mais que nous pouvons aussi enrichir des anti-oxydants présents dans notre alimentation et en particulier dans les fruits et légumes, qui en sont les meilleures sources.

En pratique : manger au moins 5 portions de fruits et légumes par jour, soit au total au moins 600g en sachant qu’un fruit pèse en moyenne 100g et qu’une assiette de légumes cuits pèse environ 200g.

Un exemple :
Au petit déjeuner : en plus du pain ou des céréales, et un laitage, prévoir systématiquement un fruit, frais ou en jus. Au déjeuner : crudités ou salade verte – des féculents mais aussi des légumes cuits en accompagnement de la viande ou du poisson, un laitage ou du fromage et un fruit au dessert. L’après-midi : un fruit.  Au dîner : des légumes crus ou cuits en accompagnement du plat principal, avec un peu de féculent ou de pain, et un fruit au dessert.

Il y a des aliments plus protecteurs que d’autres

Vrai. Les légumes et les fruits viennent de le prouver. Mais le thé vert, riche en anti oxydant  de type catéchines, est également intéressant – encore davantage que le thé noir (dont la fermentation abaisse la teneur en anti-oxydants. Si l’on aime à en boire, 3 à 4 tasses de ce type de thé est bon pour la santé. Les épices sont également remarquables : le curcuma, le gingembre et le ginseng sont riches en anti – oxydants, tout comme l’origan et la cannelle. Il est beaucoup plus sain de cuisiner avec des épices et herbes aromatiques ainsi qu’avec de l’ail, de l’oignon et des échalotes – que de saler abondamment. L’excès de sel est non seulement mauvais pour la pression artérielle et le système cardio vasculaire mais son excès chronique pourrait augmenter le risque de cancer de l’estomac (surtout associé à des aliments fumés). Enfin, le jus de tomate et les sauces tomate, naturellement riches en lycopène, contribuent à contrôler le volume de la prostate de ces messieurs – les fruits rouges (myrtilles, framboises, fraises, mûres, groseilles) sont très riches en anti-oxydants (à ajouter au fromage blanc, pour se régaler le matin) – le jus de grenade est également recommandé (attention au sucre ajouté). Mais aussi le chocolat noir (plus de 70% de cacao) et un apport suffisant de vitamine D via les poissons gras (sardines, saumon, hareng, maquereau).

L’activité physique a un effet protecteur …

Vrai. On observe une réduction de 10 à 30% du risque de développer un cancer, qu’il soit du colon, du sein, du corps de l’utérus ou du poumon dès que lors que l’activité physique est régulière. Il n’est pas nécessaire de faire du sport – mais tout simplement de marcher, de faire du vélo, d’aller à la piscine …. En somme d’être actif, à condition que ce soit le plus souvent possible, au moins pour la marche à raison d’au moins 7000 pas par jour. Les bienfaits de l’activité physique sont démontrés mais ne sont pas expliqués. Ils peuvent être directs ou indirects, les personnes ayant un bon niveau d’activité physique soignant souvent par ailleurs leur qualité de vie.

La pratique régulière d’une activité physique diminue également le risque de rechute d’un cancer. Les programmes d’activité physique sont particulièrement recommandés  aux femmes ayant eu un cancer du sein, au même titre qu’une alimentation plus saine.

En pratique : que ce soit en prévention primaire (pour limiter les risques de développer un cancer) ou en prévention secondaire (pour limiter les risques de rechutes), il est important d’avoir tous les jours une activité physique suffisante : au moins une heure de marche (d’une traite ou en fractionné), des escaliers à monter, faire du vélo, aller à la piscine … et y ajouter 2 ou 3 séances hebdomadaires de sport ou d’activité musculaire, plus intenses. A chacun de trouver ce qui lui plait, pourvu que ce soit régulier. Y prendre du plaisir est essentiel – car c’est un critère de régularité.

Et quand on n’a pas envie de bouger ?
Le plus important est de faire le premier pas. Il n’est demandé à personne de devenir sportif du jour au lendemain. Il suffit simplement de faire bouger son corps, ses jambes, ses bras … ce pour quoi nous sommes faits. Nous avons des jambes, c’est pour les faire bouger. Il suffit de faire quelques efforts et de se dire que rien n’est plus important que de prendre soin de ce que nous avons de plus cher au monde, notre corps. Il n’est pas si exigeant que cela. Il déteste simplement la sédentarité.  

La consommation d’alcool augmente le risque de cancer …

Vrai. L’alcool a un effet pro cancérigène au contact direct et répété du tractus digestif. Raison pour laquelle la consommation d’alcool augmente proportionnellement le risque de cancer au prorata de sa consommation répétée. C’est pourquoi on recommande de ne pas dépasser la consommation de 10 à 20g d’alcool pur par jour, soit l’équivalent de 1 à 2 verres de vin. L’alcool (surtout quand il est associé au tabac, qui en décuple l’effet cancérigène) augmente donc le risque de cancer du foie, du sein, et du tube digestif depuis la bouche jusqu’au côlon. Un homme qui boit 60g d’alcool pur par jour (75 cl de vin à 12°) a 3,5 fois plus de risque de développer un cancer du pharynx qu’un homme qui ne boit pas d’alcool.

Les hypothèses de ces effets cancérigènes reposent sur plusieurs arguments : un effet direct toxique sur les muqueuses de la bouche et de tout le reste du tube digestif (y compris le côlon), la formation de composés hautement toxiques pour les cellules (acetaldéhyde), des interactions avec le métabolisme hépatique des oestrogènes, hormones sexuelles potentiellement cancérigènes quand elles sont en excès. Ainsi, selon l’OMS, une femme qui consomme 4 verres de vin par jour augmente de 50% son risque de développer un cancer du sein.

L’alcool et le foie : ils ne font pas bon ménage.
L’alcool se transforme en acétaldéhyde toxique pour les cellules hépatiques. Au début celles-ci se gorget de graisses qu’elles n’arrivent pas à éliminer ; c’est la stéatose hépatique, réversible en cas d’arrêt de consommation d’alcool. Si celle-ci continue, la stéatose évolue vers une inflammation (la fameuse NASH) puis vers une fibrose (la cirrhose) pouvant évoluer vers un cancer du foie.

En pratique : aucune dose d’alcool pur n’a été identifiée sans risques. C’est-à-dire que même minime, elle augmente le risque de développer un cancer. Toutefois, à partir de 10g d’alcool pur par jour (un verre de vin) on considère que le risque est significatif – et ceci concerne toutes les boissons alcoolisées sans distinction.

Idéalement, il faudrait ne pas dépasser 10g d’alcool pur par jour soit un verre de 100 ml de vin, ou un demi de bière ou une coupe de champagne. Il est conseillé aussi de se réserver au moins 2 jours dans la semaine, sans alcool.

Le tabac est cancérigène

Vrai et il l’est particulièrement quand il est associé à l’alcool. Le risque de développer un cancer des cavités buccales est multiplié par 45 chez les grands fumeurs et consommateurs d’alcool. Si le tabagisme est impliqué dans la genèse du cancer du poumon, on sait aussi qu’au-delà de 10 cigarettes par jour, une femme qui boit également de l’alcool augmente considérablement son risque de développer un cancer du sein. Cet effet synergique s’explique par le fait que l’alcool, via l’inflammation qu’il provoque au contact des muqueuses, favorise le passage dans les cellules des molécules cancérigènes du tabac.

 Le tabac est responsable de 81% des décès par cancer du poumon. Il augmente aussi le risque de cancer de la bouche, de la gorge, de l’estomac, du foie, de la vessie et du rein.

Si le tabac n’existait pas, on éviterait 30% des cancers et l’espérance de vie serait augmentée de 15 ans.

En pratique, l’objectif est simple : zéro cigarette. Ce sera un bienfait pour celui qui fume et pour son entourage (le tabagisme passif augmente de 20% le risque de cancer). Et pour les fumeurs, il n’est jamais trop tard pour arrêter car le risque décroit alors progressivement, surtout dans les 5 premières années d’arrêt (en moyenne, il décroit de 40%). Les services d’addictologie sont là pour aider le patient à se sevrer. Quant à la cigarette électronique, si elle n’a pas encore livré tous ses secrets, elle est infiniment moins toxique que le tabac mais doit rester une solution transitoire amenant progressivement l’ancien fumeur à devenir un non-fumeur, de quoique ce soit.

Le travail de nuit augmente le risque de cancer du sein.

Vrai. En France, environ 20% de la population adulte travaille de nuit ou en horaires décalés. De nombreuses études (dont l’étude CECILE) ont été réalisées sur la population féminine travaillant de nuit. Chez la femme jeune, et avant toute première grossesse, il a été retrouvé une augmentation de 30% du risque de cancer du sein, dès lors que ces femmes ont travaillé au moins 3 heures entre minuit et 5h du matin, même si cela n’arrivait pas plus de 3 fois par semaine. Ce risque augmentait avec le nombre d’années de travail de nuit.

Les hypothèses sont nombreuses : le travail de nuit perturbe l’horloge biologique et globalement abaisse la sécrétion de mélatonine (l’hormone du sommeil) ; or, cette molécule contribue à maîtriser les divisions cellulaires anarchiques. De plus, le travail de nuit augmente le risque de surpoids et de maladies métaboliques, eux même facteurs de risque de cancer. Enfin, le travail de nuit abaisse les défenses immunitaires, ce qui fragilise le corps.

En conclusion, le travail de nuit est un stress pour le corps humain. Il faut l’éviter, si possible, surtout dans le cadre des 3 huit (alternance du travail du matin, du soir et de nuit) dont l’irrégularité des horaires empêche l’adaptation du corps humain. Il est en perpétuel déséquilibre. Raison pour laquelle le travail de nuit est reconnu comme probablement cancérigène (CIRC, 2011).

L’obésité augmente le risque de cancer

Vrai et c’est une des raisons pour laquelle il faut combattre l’obésité. L’excès de graisse abdominale profonde augmente la résistance à l’insuline et augmente la sécrétion de leptine, deux molécules qui, en excès et de façon chronique, peuvent augmenter le risque de mutations cellulaires. De plus, l’obésité entraîne un excès de synthèse des oestrogènes (fabriquées par la graisse abdominale) aux effets délétères sur les cellules des glandes mammaires (risque de cancer du sein) et des cellules du corps de l’utérus. Une femme souffrant d’obésité morbide (IMC proche de 40) voit tripler son risque de développer un cancer du sein ou du corps de l’utérus.

En pratique, il faut essayer de maintenir un poids correct tout au long de sa vie. Mais ça n’est pas toujours facile car certains contextes comme les grossesses, l’hypothyroïdie, les anti dépresseurs et la prise de corticoïdes peuvent faire grossir sans que l’alimentation et la sédentarité soient en cause. Quoi qu’il en soit, il est toujours plus sain de chercher à maigrir, même s’il ne s’agit que d’une perte de 5 à 10% de son excédent pondéral.

Les 10 conseils en prévention du cancer

En conclusion, pour se donner toutes les chances de vivre longtemps et en bonne santé, il faudrait idéalement :

  • Avoir une alimentation riche de légumes et de fruits, pauvre en graisses et en sucre, peu salée et agrémentée de nombreuses épices, herbes aromatiques, ail et oignons.
  • Savourer un petit verre de bon vin ou une bonne bière de temps à autre sans que ce soit quotidien, et en privilégiant la qualité à la quantité.
  • Ne pas fumer.
  • Pratiquer tous les jours, et avec plaisir, une activité physique variée que ce soit la marche, le vélo, la natation. Et y ajouter 2 ou 3 séances de sport par semaine.
  • Contrôler son poids sans pour autant en faire une obsession.
  • Veiller à la qualité de son sommeil, en évitant de se coucher après minuit, sauf exceptions bien sûr.
  • Se ménager des moments de détente et de relaxation, pour ne pas se laisser envahir par le stress.
  • Cultiver la bonne humeur et l’optimisme. Excellent pour stimuler les défenses immunitaires.
  • Prendre soin de son corps et s’assurer d’une visite médicale annuelle – en respectant les consignes des politiques de prévention du cancer du sein et du cancer du côlon.
  • Etre à l’écoute de son corps et ne pas sous-estimer ou banaliser une douleur persistante. A l’heure actuelle, on guérit 80% des cancers quand ils sont dépistés tôt ! Voilà une bonne nouvelle !