Médecine, faut-il tout prédire ?

Temps de lecture 5 min

Nous vivons de plus en plus longtemps et c’est une bonne chose. Personne ne s’en plaindra. Encore faut il vivre plus longtemps en bonne santé. A l’heure où la médecine a considérablement progressé dans ses capacités diagnostiques et thérapeutiques, se pose la question de l’intérêt de lire dans la boule de cristal en l’occurrence dans nos gènes, pour prédire notre avenir médical. Est ce utile ? Cela doit il se généraliser et dans ce cas, pour qui ?

Tout d’abord, comprenons ce qu’est l’étude du génome car pour prédire l’avenir, il faut lire dans les gènes.

Le génome et sa nature

Au cœur de chacune de nos cellules, nous avons un noyau dans lequel se trouve une molécule d’ADN. Elle ressemble à une longue échelle vrillant sur elle même ; dépliée elle ferait environ un mètre !). Les barreaux de l’échelle sont reliés entre eux par deux molécules différentes que l’on appelle des bases. Il en existe 4 au nom de Guanine (G), Thymine (T), Cytosine (C), Adénine (A). Elles s’apparient toujours de la même manière : A avec T et C avec G. Les différentes successions des bases donnent les gènes qui vont coder pour des protéines définissant par exemple la couleur de nos yeux, la nature de notre groupe sanguin, de nos hormones, de nos anticorps …. En somme, toutes les fonctions de nos cellules sont définies par nos gènes. Nous avons à peu près 21000 gènes, répartis dans nos 23 paires de chromosomes dont une paire de chromosomes sexuels (XX chez la femme, XY chez l’homme). Il y a donc de quoi coder !

Les mutations de l’ADN

Lors de la division cellulaire, il arrive qu’il y ait des erreurs au moment de la duplication de l’ADN. Ce sont des mutations. Elles existent en permanence chez chacun d’entre nous. Elles peuvent être spontanées ou favorisées par des agents extérieurs comme des virus (comme le papillomavirus responsables du cancer du col de l’utérus), les rayons X (la radio activité), des molécules chimiques toxiques (comme celles présentes dans la fumée de cigarette). Heureusement, nous avons des agents réparateurs qui interviennent immédiatement pour corriger ces mutations. Mais il peut arriver que ces agents soient moins efficaces et que cette mutation persiste. Elle peut alors être la cause de l’apparition d’une maladie. Elle peut aussi se transmettre aux générations suivantes. C’est ainsi qu’il y a des maladies génétiques héréditaires.

La médecine génomique

Cette forme de médecine est appelée à se développer de plus en plus. Elle consiste à étudier le génome complet d’une personne et ainsi de permettre d’identifier ses risques de développer certaines maladies génétiquement identifiées – ou de mieux comprendre les mutations impliquées dans la maladie dont elle souffre pour lui appliquer un traitement spécialisé et augmenter ainsi ses chances de guérison. Actuellement on connaît près de 8000 maladies provoquées par la mutation d’un gène. Et ce n’est qu’un début. Avec le Plan France Génomique 2025, cette politique de recherche et développement en matière de prévention, diagnostic, traitement et pronostic des maladies va considérablement se développer. Elle concernera différents types de patients.

De l’intérêt de connaître son génome

Les cas de figure sont nombreux. Dans le cadre de la prévention, il peut être utile de connaître son génome quand on sait éviter ou guérir la maladie en question – et qu’il y a eu des cas dans la famille. C’est le cas du cancer du sein et dans la mesure où l’on sait qu’il y a eu des cas de cancers du sein dans l’ascendance directe (par exemple chez la mère), il est recommandé de rechercher l’existence de ce gène de prédisposition tel le BCRA1 pour prendre les mesures qui conviennent, chez les filles (surveillance rapprochée, mammectomie préventive …).

Connaître le génome est également utile dans le cadre d’une pathologie rare ou d’une maladie dont on n’arrive pas à faire le diagnostic. L’étude du génome peut permettre d’en faire le diagnostic et donc d’envisager le traitement le plus pertinent. Par exemple dans le cadre de maladies rhumatismales, il peut être utile de savoir si la personne est porteuse des gènes HLA DR1 – DR4 (polyarthrite rhumatoïde) ou HLA B27 (spondylarthrite ankylosante). Le traitement sera globalement le même, mais au moins on sait de quoi on souffre.

Quant au cancer, il est admis que le typage génétique de certains cancers, peut permettre d’établir plus précisément le profil de la tumeur et ainsi de pouvoir proposer un traitement ciblé encore plus efficace.

A contrario, ce serait plus un stress qu’un bienfait si on était confronté à une maladie que l’on ne sait ni empêcher ni guérir comme la maladie d’Alzheimer. Il vaudrait sans doute mieux ne pas savoir ….

En conclusion, l’analyse du génome se révèle particulièrement utile en cas de maladie avérée pour affiner le traitement et augmenter les chances de guérison. Il se révèle également utile en cas de maladies familiales à risque de transmission héréditaire afin de prévoir une prévention chez ceux et celles qui, dans la descendance, sont concernés.

Le cancer du sein et de la poly adénomatose familiale (PAF – pourvoyeuse de cancer du colon rectum) en sont de bons exemples. En revanche, vouloir connaître ses risques de maladie en faisant étudier son génome peut se révéler dangereux pour deux raisons. Tout d’abord, il ne s’agit que d’une évaluation d’un risque. La maladie peut arriver comme elle peut ne jamais arriver. Pour autant cela peut bouleverser la vie d’une personne que de le savoir. Si on vous disait que vous alliez mourir jeune et sans mémoire, les journées à venir ne seraient plus vraiment pareilles. De plus, parfois le degré de prédiction est très imprécis. Le kit « Etude de votre Génome » n’est donc sûrement pas un cadeau de Noël à offrir. Il doit s’intégrer dans le cadre d’une réflexion médicale, géré par une équipe médicale avec l’accord du patient, afin d’optimiser les chances de prévention et de guérison d’une maladie bien identifiée. C’est là qu’il se justifie pleinement. Ce type de médecine a donc de beaux jours devant lui.