Le gluten : pourquoi le digère t’on si mal ?

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Dr Laurence PLUMEY. Médecin Nutritionniste. Fondatrice d’EPM NUTRITION

Il est frappant de constater qu’un nombre croissant de personnes semblent mal digérer le gluten.

La consommation de pâtes, de pain, de pizza provoque chez elles des douleurs abdominales et des ballonnements qui incitent à chercher un coupable : le gluten.

On peut donc bien se demander pourquoi cette inflation d’indigestion au gluten. En fait, il faut distinguer plusieurs situations : la maladie cœliaque qui est une maladie auto-immune et dont la fréquence a peu augmenté, et l’hypersensibilité au gluten qui, elle, est en augmentation et qui reflète une difficulté croissante de la population à digérer le gluten.

La maladie cœliaque ou intolérance au gluten : quand l’immunité se dérègle seule

C’est une maladie auto immune due à un dérèglement immunitaire avec synthèse d’anticorps dirigés contre les enzymes qui permettent la digestion du gluten. Au final, cela provoque une réaction inflammatoire locale responsable des symptômes de la maladie cœliaque. En somme, ce n’est pas le gluten qui est le coupable, mais le système immunitaire de la personne qui se dérègle pour des raisons que l’on ignore.

La maladie cœliaque peut se déclarer très brutalement à tout âge de la vie, mais surtout chez les enfants lors de la consommation de produits contenant du gluten comme les premières farines pour bébé, les pâtes, le pain, les biscuits… Apparaissent alors, chez l’enfant prédisposé, des signes digestifs tels que diarrhées, douleurs abdominales, vomissements, amaigrissement et retard de croissance.

Mais, cette maladie peut aussi se déclarer plus tard à l’âge adulte, souvent de façon plus sournoise, avec des ballonnements douloureux, une constipation opiniâtre, des douleurs abdominales, des douleurs lombaires, voire des aphtes à répétition ! Le patient devra alors suivre un régime drastique toute sa vie pour éviter la persistance de l’inflammation et l’installation de malabsorptions intestinales, sources de carences. Au moindre soupçon de maladie cœliaque, il faut donc faire une série d’examens pour en avoir le cœur net. L’enjeu est de taille car la moindre présence de gluten dans l’alimentation déclenche alors une l’inflammation douloureuse de l’intestin grêle.

Comment savoir si l’on a la maladie cœliaque

Le médecin fait une recherche d’anticorps dans le sang, car c’est une maladie auto-immune. Dans la maladie cœliaque, ce sont les anticorps anti-transglutaminases qui sont positifs. Il faut compléter cet examen par une fibroscopie oeso-gastro-duodénale dont l’analyse des biopsies faites au niveau du duodénum retrouve des lésions histologiques typiques.

Attention, il ne faut pas se priver de gluten avant de faire les tests sinon ils risquent d’être faussement négatifs.

L’hypersensibilité au gluten : fréquente chez le colopathe

Elle peut s’expliquer par un terrain fragilisé : celui de la colopathie fonctionnelle. La personne colopathe digère mal beaucoup d’aliments (choux, pain frais, certaines crudités, les légumes secs…) et d’ailleurs, au fil des années, ses intolérances digestives peuvent s’aggraver.

Le colopathe est de plus en plus en conflit avec son intestin : transit perturbé (alternance de diarrhée et de constipation), ballonnements précoces et douloureux dès le début du repas.

La faute à qui ? Microbiote intestinal déséquilibré ? Troubles de la sensibilité et de la motricité digestive ? Beaucoup de questions, peu de réponses pour le moment.

Toujours est-il que peu à peu le champ de ce que ces personnes peuvent manger se rétrécit beaucoup. Et voilà que le gluten s’en mêle ! Le pain et les pâtes ne sont plus aussi bien digérés qu’avant. Encore plus troublant : les anticorps anti-transglutaminases sont négatifs et la fibroscopie est quasiment normale.

En somme, voilà une situation délicate : la personne se plaint mais son bilan est normal. Il reste alors à faire un test d’éradication. La suppression du gluten s’accompagne alors d’une nette amélioration de la digestion. Il s’agit donc bien d’une hypersensibilité au gluten.

Manger sans gluten : pas si facile !

Un régime sans gluten ne doit pas être fait au gré des humeurs de chacun. Il faut avoir de bonnes raisons telles qu’une maladie coeliaque ou une hypersensibilité au gluten. En effet, cela demandera beaucoup de sacrifices ! Il faudra supprimer totalement les aliments qui contiennent du blé, du seigle et de l’orge (l’avoine, elle, est rarement interdite) et quasiment tous les produits industriels, la farine étant un ingrédient de base très courant. Par ailleurs, si l’offre des produits sans gluten s’est largement étendue, ce régime a un coût non négligeable.

  • Pain, biscottes et biscuits : le grand changement.

Finie la bonne baguette. Il faudra passer au pain sans gluten dans lequel la farine de blé est remplacée par de la farine de riz, de châtaigne et/ou de maïs. Ce n’est pas le même goût. Il en sera de même pour les biscottes et les biscuits, dorénavant sans gluten. Pour ceux qui courent après les régimes amincissants, notez que si les fabricants font des merveilles les produits ne sont pas pour autant moins gras et moins sucrés. Seule la farine change.

  • Les plats, recettes industrielles et boissons : bien regarder l’étiquette.

Quand il y a du gluten, celui-ci est mentionné sur l’étiquette. Le mot gluten figure alors en gras. Ceci concerne beaucoup de plats et c’est pourquoi, il faut toujours bien regarder l’étiquette, même pour des produits qui, en théorie, ne devraient pas en contenir. Par exemple, certaines frites au four en contiennent, l’enrobage de farine de blé contribuant à leur croustillance. D’ailleurs, il faut penser à poser la question quand il s’agit de commander des frites au restaurant. En règle générale, il est préférable de faire soi même ses recettes ; c’est plus simple. Quant aux boissons, il faudra se priver de bière car elle contient de l’orge.

  • Quels sont les féculents qui ne contiennent pas de gluten ?

Il reste le riz, les pommes de terre, les légumes secs, la patate douce, le manioc, le tapioca, la maïzena, le quinoa, la polenta (farine de maïs). Il est possible de cuisiner des pâtes sans gluten (elles coûtent 2 à 3 fois plus cher). Finies les pizzas traditionnelles (il en existe toutefois sans gluten) et le couscous.

Questions que l’on peut se poser

En cas d’intolérance au gluten, est ce grave si la personne a pris un produit contenant du gluten ?

Ce n’est pas aussi grave qu’une allergie classique ; l’hypersensible au gluten ne risque pas de choc anaphylactique, ni d’urticaire ni d’œdème de Quincke. Il ressentira « seulement » des douleurs abdominales et une digestion difficile ; en somme une situation très inconfortable mais pas dangereuse. En réalité, le danger vient de la répétition de ces écarts car ils contribuent à entretenir durablement l’inflammation de l’intestin avec le risque de  malabsorptions et donc de carences en fer (risque d’anémie), en calcium et en vitamine D (risque d’ostéoporose et de fractures) et en de nombreuses vitamines (fatigue, troubles neurologiques …).

Info + : le site de l’Afdiag (Association Française des Intolérants au gluten) est très riche d’informations et propose même des Ateliers Cuisine. Un site incontournable quand on ne tolère pas le gluten.

En quoi le gluten est-il utile dans la farine ? 

Le gluten est utile au grain pour sa croissance et à l’homme pour la levée de la pâte à pain. En effet, lors de la fermentation de l’amidon par la levure, il y a production de gaz carbonique. Celui ci s’échappe de la pâte à pain mais il est freiné dans son élan par les mailles élastiques du gluten qui cherchent à le retenir, contribuant ainsi à la levée de la pâte. Une farine riche en gluten donne un pain à la mie très aérée et légère. Par ailleurs, comme toutes les protéines d’origine alimentaire elle contribue à la vie de nos cellules en leur fournissant ses composants de base, les acides aminés. Le gluten est donc l’une des protéines d’origine végétale courante dans notre alimentation. Elle est utile, mais pas nécessaire.

Pourquoi digérons-nous plus mal le gluten ?

Autrefois, on pouvait manger des miches de pain sans problèmes de digestion. Mais autrefois les blés étaient différents. Ils étaient plus rustiques et moins « poussés ». Il est probable que les sélections génétiques visant à obtenir des blés toujours plus résistants et riches en protéines se traduisent par un gluten plus difficile à digérer. Il faudrait sans doute revoir ce point auprès des généticiens. En attendant, on peut conseiller à chacun d’éviter la surcharge de gluten pour ne pas atteindre un seuil de tolérance au-delà duquel l’intestin finit par protester de manière irréversible. Pour se faire, il faut privilégier le riz, le quinoa, les légumes secs (d’excellente valeur nutritionnelle). Certes, on peut se régaler de temps à autre de pâtes et de pizza, mais il ne faut pas en faire son quotidien. Quant au pain, il est bon et sain de privilégier les pains rustiques.

Le régime sans gluten peut-il faire maigrir ?

Cela peut être un effet collatéral car ce régime pousse à supprimer de l’alimentation les féculents, le pain, les biscuits et gâteaux, que la plupart des régimes amaigrissants suppriment également quasi systématiquement. Voilà pourquoi il peut aboutir à une perte de poids, sauf si la personne compense l’absence de ces aliments par les mêmes, mais sans gluten : le pain sans gluten, les pâtes sans gluten, les biscuits sans gluten….

Ces produits sont effet aussi gras et caloriques que les versions avec gluten.

En conclusion, soyons vigilants et à l’écoute de notre digestion car celle-ci est bien malmenée par le stress, la sédentarité, une mauvaise alimentation et probablement un excès de gluten. La modération doit donc être de mise ; d’ailleurs elle est souvent garante d’équilibre et de santé !