La constipation : pourquoi et comment la traiter ?

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La constipation concerne aujourd’hui près de 20 % de la population générale en France. Certaines populations y sont cependant plus sensibles comme les femmes  (elles sont 2 à 3 fois plus touchées que les hommes) et les seniors (au delà de 60 ans). Cette pathologie, fréquente, est néanmoins encore tabou aujourd’hui et relativement mal vécue.

Des enquêtes évaluant l’impact de la constipation sur la qualité de vie montrent des différences significatives entre les personnes constipées et non constipées, et ce quel que soit le pays concerné : sensation de ballonnement, inconfort général, peur de l’occlusion, obsession d’un transit qui ne s’améliore pas.

En somme, il ne faut pas négliger un état de constipation, il y va de sa santé physique et morale !

Transit et colon : quelques notions utiles à savoir

Quand vous mangez un aliment, il va passer 2 à 4 heures dans votre estomac (selon que le repas est volumineux ou pas), entre 2 et 4 heures dans votre intestin grêle qui mesure environ 6 m, et 20 à 72 heures dans votre colon qui ne mesure qu’1,5m et qui se termine par le rectum.

En somme, pour un transit normal de 24 heures (une selle par jour), le temps de séjour de l’aliment digéré est le plus long dans le colon et c’est là que tout se joue pour parler de transit normal, ralenti (constipation) ou accéléré (diarrhée).

Mais le colon n’est pas qu’un simple tuyau : c’est un organe d’une extrême complexité en étroites connexions avec le cerveau (d’où l’impact des émotions sur le transit) animé de contractions régulières dont certaines sont brèves et statiques (pour malaxer le contenu) et d’autres sont puissantes et propulsives (pour faire avancer les selles) à raison de 4 à 6 par jour. Evidemment nous ne contrôlons pas nos contractions digestives : elles sont sous influence neurologique.

Il y a d’ailleurs une chronobiologie du transit : le colon est au repos la nuit et se réveille le matin. Les contractions commencent à se déclencher dès la prise d’un repas. La nature est bien faite !

Et puis n’oublions pas que nous hébergeons 1 kilo de flore dans notre intestin (en grande partie dans le colon), soit 100 000 milliards de bactéries non pathogènes que nous nourrissons avec ce que nous ne digérons pas et qui nous rendent bien des services en contre partie : elles nous aident à mieux nous défendre contre les bactéries pathogènes que nous avalons, elles contribuent à la santé de notre colon et à la régularité du transit.

En somme, pour avoir un bon transit, il faut :

  • un intestin qui fonctionne bien avec une bonne constitution anatomique et une bonne régulation neurologique dans son fonctionnement,
  • un bon volume de selles afin de stimuler les contractions. Ceci ne peut se faire que grâce à la consommation suffisante de fibres car non digérées elles composent une grande partie du volume des selles. Ceci se fait aussi grâce au volume d’eau que nous buvons. Des selles bien hydratées sont plus volumineuses que des selles déshydratées,
  • une bonne qualité de flore : chacun d’entre nous a une flore différente spécifique. Elle se développe dès nos premiers jours de vie et ensuite elle garde le même équilibre entre les différentes espèces. Quand on a la chance d’avoir une bonne flore, on a moins de problèmes de transit que ceux qui ont une flore déséquilibrée.

C’est quoi exactement être constipé(e) ?

La constipation, ce n’est pas simplement avoir un transit ralenti, c’est surtout un ensemble de symptômes défini selon les critères de Rome III.
Il doit exister au moins deux des critères suivants pendant au moins 3 mois depuis les six derniers mois, à savoir :

  • moins de 3 défécations par semaine
  • effort d’évacuation
  • selles dures
  • sensation d’évacuation incomplète
  • sensation de blocage ou d’obstruction ano-rectale
  • nécessité de manœuvres manuelles facilitatrices

On parle de constipation chronique lorsque les symptômes durent depuis plus de 6 mois.

Pourquoi peut-on être constipé(e) ?

Si nous parlons d’une constipation qui existe depuis toujours, il s’agit d’un intestin naturellement paresseux parce que trop long ou ayant des anomalies de fonctionnement des contractions musculaires. Dans ce cas, il faudra veiller toute sa vie à manger riche en fibres, à boire suffisamment d’eau et à éviter toute sédentarité prolongée.

En revanche, en ce qui concerne toute forme de constipation récente, il faut savoir que dans 80 % des cas, c’est tout simplement parce que l’on ne mange pas assez de légumes, de fruits, de céréales complètes – mais aussi parce que l’on ne boit pas assez d’eau et que l’on est trop sédentaire. Le stress, la pression, les changements d’habitude peuvent aussi, ponctuellement perturber le transit. On parle alors de constipation fonctionnelle.

Mais dans 20 % des cas, et il y a ce que l’on appelle une cause organique, c’est à dire une anomalie anatomique ou une pathologie. La première cause à laquelle un médecin doit penser devant une constipation récente, c’est l’existence d’une tumeur dans le colon qui ralentit la progression des selles (tumeur bénigne comme un simple polype, ou tumeur maligne comme un cancer). Pour cela, on s’aide d’un certain nombre d’arguments qui peuvent orienter vers un tel diagnostic : du sang dans les selles, des douleurs abdominales récurrentes et toujours au même endroit, un amaigrissement, des antécédents familiaux de cancer digestif ou de multiples polypes. Quoiqu’il en soit, au moindre doute et surtout si le sujet a plus de 50 ans, il faut faire pratiquer une coloscopie : certes, l’examen n’est pas très agréable (lavement la veille au soir et anesthésie de 20 mn le jour de l’examen) mais il peut vous sauver la vie !

Mais il peut y avoir bien d’autres causes encore : la conséquence de la prise d’un médicament (regarder la fiche posologie), une glande thyroïde qui ne marche pas bien, un état de diabète. C’est au médecin de décider des examens exploratoires nécessaires en fonction du contexte.

Comment guérir de sa constipation ?

Si la cause médicale a été identifiée, il suffit de la traiter pour que la constipation disparaisse. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une constipation fonctionnelle, c’est une question d’hygiène de vie. Le trio efficace repose sur les fibres, l’eau et l’activité physique.

Concernant les laxatifs, sachez qu’il en existe de toutes sortes et que certains peuvent avoir des effets secondaires désagréables quand ils sont trop souvent utilisés. Ainsi les lubrifiants de type paraffine entraînent avec eux des vitamines liposolubles (vitamines A, E, D et K) ), les laxatifs qui stimulent la motricité du colon peuvent à la longue entraîner des douleurs abdominales chroniques et dérégler le transit.

En revanche les laxatifs osmotiques (type sorbitol) ou formant un gel au contact de l’eau du colon (type macrogols) favorisent la progression des selles et ont peu d’effets secondaires.

Quoiqu’il en soit, l’idéal est de les utiliser de façon très ponctuelle et à court terme pour ne pas s’y habituer et en devenir dépendant, et de surtout compter sur la qualité de son hygiène de vie.

Laurence Plumey répond à vos questions

Mon médecin m’a parlé de colopathie fonctionnelle. C’est quoi exactement ?
Dr LP : c’est un dysfonctionnement de l’intestin et surtout du colon, qui explique la survenue de troubles digestifs comme des douleurs abdominales, une importante fermentation après les repas (ballonnements inconfortables) et une alternance de diarrhée et de constipation. On soupçonne des troubles de la régulation motrice et sensitive du colon et également la présence d’une flore déséquilibrée. On ne peut pas en soigner la cause mais seulement les symptômes : au delà des conseils nutritionnels, on peut donner des médicaments qui absorbent les gaz (à base de charbon) et/ou des ferments lactiques pour optimiser la flore. Ce n’est pas une maladie grave. Elle est simplement inconfortable et il faut s’en accommoder du mieux que l’on peut en éliminant les aliments sources de fermentations (les choux par exemple).

Quand je suis stressée, je constate que je suis immédiatement constipée. Que puis-je faire ?
Dr LP : Vous déstresser mais de façon naturelle : oxygénez-vous avec une bonne marche tonique, détendez-vous en faisant des pauses dans la journée (inspirez et expirez profondément pendant 5 minutes en fermant les yeux et en faisant le vide en vous), utilisez vos week-end pour des activités de loisirs.

  • ne sautez pas de repas,
  • faites des repas équilibrés et riches en fruits et légumes,
  • n’oubliez pas de boire tout au long de la journée,
  • respectez « votre heure » pour aller aux toilettes,
  • attention aux anxiolytiques et aux antidépresseurs, car ils ont tendance à ralentir le transit.

En été, je ne suis pas constipée mais en hiver je le suis. Que pouvez-vous me conseiller ?
Dr LP : C’est tout à fait normal car en hiver on bouge moins et on mange moins de crudités. Néanmoins, vous pouvez manger suffisamment de fibres en cuisinant régulièrement des légumes secs et en évitant la routine du riz et des pâtes (pauvres en fibres). Par ailleurs, le matin au petit-déjeuner prenez du pain complet, des biscottes au son ou des céréales de petit-déjeuner au son. Grignotez dans la journée une petite poignée de fruits secs et des pruneaux. Et pensez à boire : ce n’est pas parce qu’il fait froid que vous avez besoin de moins d’eau. Votre besoin de boire 1,5 litre reste le même en hiver.

Comment arriver à manger 5 fruits et légumes par jour ? Cela me paraît énorme !
Dr LP : Détrompez-vous ! Il suffit de prévoir un fruit le matin pour votre petit déjeuner, de prendre une entrée de crudités (ou de la salade verte) au déjeuner et d’accompagner votre viande ou votre poisson avec des légumes et des féculents, de manger un fruit dans l’après-midi et de prévoir une soupe ou une salade composé le soir. Le tour est joué ! Les légumes peuvent être frais, secs, crus, cuits, en conserves ou en surgelés, peu importe, l’essentiel c’est d’en manger !

En conclusion, mangez sainement et riche en fibres, buvez de l’eau, soyez actifs et détendez-vous. Vous en serez heureux et votre transit n’en sera que meilleur !



Dossier écrit par le Dr Laurence Plumey

Médecin nutritionniste et consultant pour Mutuelle Bleue
dans le cadre du programme « Passeport pour la santé »