Digestion difficile ? Comment retrouver « la sérénité de l’intérieur ».

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En cette période un peu compliquée où prédominent la sédentarisation, les troubles du sommeil et le grignotage – il est une pauvre victime collatérale à laquelle on pense rarement : notre tube digestif. Il souffre lui aussi et le manifeste plus souvent que d’habitude par un ventre ballonné, un transit perturbé et des douleurs abdominales. Bref, il n’est pas très heureux.

Mais pourquoi donc ….

En réalité, les évènements ne jouent pas en sa faveur.

Tout d’abord, la sédentarité est un vrai problème. Elle l’est en effet, non seulement pour les muscles, les articulations et le poids, mais elle l’est aussi pour le confort digestif car elle ralentit le transit. En effet, les muscles du ventre travaillent moins et cela diminue la motricité de l’intestin. Il s’ensuit un ralentissement de l’évacuation des gaz et donc leur accumulation. Cela dilate les anses intestinales et cela fait mal. Les douleurs suivent le trajet des gaz : un coup à droite, un coup au centre, au coup à gauche et on recommence au fil des 6 à 7 mètres de circonvolutions de l’intestin grêle et du colon.

Ensuite, second problème : la nature de l’alimentation. En général quand on grignote et que l’on dort mal, la consommation de féculents et de produits sucrés augmente. L’amidon et le glucose sont consommés par les 100.000 milliards de bactéries du microbiote et par les processus de fermentation, provoquent la libération de différents gaz tels l’hydrogène, le CO2 et le méthane – que nous éliminons ensuite. Donc, plus nous mangeons de féculents et de produits sucrés, plus nous produisons de gaz.

Enfin, troisième problème : le stress. Nous savons très bien que nos intestins sont très sensibles aux émotions et que cela se ressent sur le transit. Pour certains, il s’en trouve accéléré et pour d’autres, il s’en trouve ralenti. Dans ce domaine, comme dans d’autres, il y a les imperturbables qui ne verront aucun changement – et les hypersensibles qui souffriront du moindre changement.

Alors, que faire …..

Heureusement, tout ceci n’est pas bien grave et, tant qu’il n’y a pas de lésion organique, c’est tout à fait réversible. Il suffit d’identifier le problème et de lui trouver une solution.

Pour éviter d’avaler de l’air, prendre le temps de bien mâcher.
Quand on mange trop vite, on avale de l’air. Et à moins de l’expectorer discrètement tant qu’il est encore dans l’estomac, il va falloir attendre ensuite 24 heures pour l’éliminer.
L’idéal est donc de se concentrer sur ce que l’on mange, de le savourer en bouche et de prendre le temps de la mastication. Double effet positif : moins d’air et une prédigestion de l’amidon du pain et des féculents par l’amylase salivaire. Autant de travail en moins pour l’estomac. Un repas doit donc durer au moins 20 à 30 mn et non pas …10 !

Se préserver d’un estomac trop dilaté, source d’inconfort.
L’estomac non dilaté contient environ 500 ml d’aliments et/ou de liquides. Il peut toutefois aller jusqu’à 4 à 5 litres de volume. Il est alors très dilaté et provoque souvent une forte sensation de gène avec difficulté respiratoire. Au-delà, ce sont les vomissements ! Un repas de volume correct comprend donc un plat de résistance (environ 400 à 500g), un laitage, un fruit et 1 ou 2 verres d’eau. Un petit conseil ? S’arrêter quand on n’a plus faim car quand l’estomac est bien rempli, il vous le fait savoir. Ecoutez le !

Faut il boire ou ne pas boire d’eau pendant les repas ?
Il n’y a aucune raison de se priver de boire de l’eau à table tant que le volume d’eau est raisonnable, à savoir environ 2 verres d’eau. Non seulement cela n’impacte pas le processus de digestion, mais de plus cela contribue à l’hydratation de la journée – surtout si l’on oublie de boire entre les repas…

Eviter de manger trop gras au repas
Indépendamment du fait que cela augmente le risque de prise de poids, manger trop gras au repas augmente d’environ 30% le temps de digestion dans l’estomac. Au lieu de digérer en 3 heures, il en faudra 4 !  Raison pour laquelle il faut éviter de cumuler charcuterie, sauces, fritures, fromage et gâteau ! Un petit conseil ? Mangez moins de féculents et plus de légumes – et si vous prévoyez un peu de charcuterie en entrée ou un plat en sauce, remplacez le fromage par un laitage au dessert. On évite ainsi le cumul de gras.

Prendre soin de son microbiote intestinal
Ce petit monde intérieur grouillant de bactéries bénéfiques se nourrit de ce que nous lui laissons. En somme, nous lui offrons le gîte et le couvert. En échange, il assure la santé des cellules qui bordent les parois de l’intestin et nous défend contre les agresseurs. Il contribue à l’immunité locale, voire générale et échange avec les autres organes. Avoir un microbiote en bonne santé, c’est donc un atout indéniable. Pour cela, il faut le nourrir sainement. Il aime les fibres des végétaux (donc mangeons des légumes à chaque repas, crus et cuits) et l’amidon sans excès (on contrôle donc le pain et les féculents ; ni trop, ni trop peu). Il déteste l’excès de gras (éviter les sauces à chaque repas, les fritures à gogo, les viennoiseries quotidiennes …). Un petit conseil ? Plus vous mangez de légumes, plus votre microbiote sera en bonne santé et mieux vous vous porterez.

Cures de probiotiques ?
Il existe en pharmacie des compléments à base de probiotiques. Le plus souvent il s’agit de différentes souches de bifidobactéries et de lactobacilles. En cas d’inconfort intestinal, il peut être utile d’en faire une cure d’au moins 15 jours et d’en évaluer l’efficacité. Si oui, parfait on continue et on fait des petites pauses de 2 mois dans l’année – si non, on change de produit et on observe …

Attention aussi aux cures d’antibiotiques trop fréquentes et parfois inutiles. Elles détruisent les bactéries pathogènes mais également les bactéries du microbiote. Il s’en trouve dévasté et les douleurs et diarrhées apparaissent au bout de 2 à 3 jours. Il peut mettre plusieurs mois à s’en remettre. Le conseil ? Manger des yaourts dès le début de la cure et prendre de l’Ultra levure sur laquelle les antibiotiques n’ont aucun effet destructeur.

Bouger davantage …
Il n’est rien de pire que la sédentarité. Même si l’on est en télé-travail, il faut trouver le temps de bouger. Idéalement, il faudrait s’arrêter 5 mn toutes les heures et en profiter pour faire des exercices cuisses – fessiers et abdominaux. Ce n’est pas grand-chose, mais répétés 5 à 6 fois dans la journée, cela compte.  Mieux encore, les 30 à 45 mn de marche quotidienne. Egalement très bon pour le transit.

Et bien dormir …
Etonnamment, le manque de sommeil interfère avec le transit car il fatigue et augmente l’appétence pour les féculents et produits sucrés. Tout ce qu’il faut pour perturber le transit ! Donc, se coucher avant minuit et dormi au moins 7 heures, c’est bon pour le confort intestinal.

Aliments et digestion : quelques idées reçues …


Manger trop de chocolat peut donner des crises de foie
Faux. La crise de foie n’existe pas ; en revanche, le fait de manger gras augmente la sécrétion de bile car elle est riche en acides biliaires qui permettent de digérer le gras. Quand la bile est abondante et/ou épaisse, elle peut parfois s’écouler difficilement et provoquer des douleurs liées à la dilatation des voies biliaires. C’est sans doute ce qui est qualifié de crise de foie. Un bon conseil : éviter de cumuler les sources de gras à un même repas.

Les eaux gazeuses à table aident à digérer …
Pas forcément.  En effet, le gaz peut durablement indisposer à moins d’être rejeté lors d’une discrète expectoration. Sinon, ce gaz devra transiter pendant 24 heures dans les intestins avant d’être éliminé et provoquer des douleurs abdominales en dilatant les anses intestinales, surtout chez certaines personnes aux intestins fragiles. Toutefois, les eaux gazeuses contiennent également du bicarbonate de sodium, censé tamponner l’acidité gastrique et atténuer d’éventuelles sensations de brûlures gastriques. Cet effet est pourtant quasi nul. Boire une gazeuse est donc surtout une question de goût !

Certains aliments se digèrent mal …
Vrai. Par exemple les fond d’artichauts, les choux, les poivrons, les salsifis et les légumes secs sont riches en amidon résistant que nous ne savons pas digérer. Les bactéries du microbiote les consomment mais en échange libèrent de nombreux gaz indisposants. Pour les légumes secs, il suffit de les faire tremper la veille pour qu’ils soient plus digestes.

Et le lait ?
Il peut être mal digéré chez certaines personnes dites intolérantes au lactose. Cela concerne environ 10% de la population adulte. Dans ce cas, on boit du lait sans lactose et on profite des autres produits laitiers. Attention à ne pas se priver de produits laitiers, faute de quoi le manque de calcium finira par pénaliser les os (il n’y en pas assez dans les végétaux et il est mal absorbé). Sinon, on peut boire des eaux calciques (elles contiennent environ 500mg de calcium par litre soit 50% du besoin quotidien en calcium – Contrex, Courmayeur).

Le gluten provoque des inflammations intestinales.
Vrai pour 10 à 20% de la population adulte. On parle alors d’hypersensibilité au gluten (différente de la maladie cœliaque, beaucoup plus rare – 1% de la population). Ce gluten est devenu, au fil des sélections génétiques, probablement de plus en plus résistant et difficile à digérer. Les personnes souffrant de colon irritable y sont particulièrement sensibles. Le conseil : sans pour autant passer au sans gluten strict et aux produits sans gluten qui n’ont pas forcément une meilleure valeur nutritionnelle – choisissez plutôt du pain au sarrasin, au petit épeautre ou à la farine de châtaigne.

En somme, vous voyez que la digestion peut être discrète et sereine comme elle peut être capricieuse et parfois démonstrative. Si certes la génétique y joue un rôle certain, il est évident que la qualité de votre hygiène de vie est très impactante. Mangez bien et sainement, bougez bien et dormez suffisamment – voilà les clefs d’un intestin en forme !

Dr Laurence PLUMEY. Médecin Nutritionniste. EPM Nutrition.